130- les inscriptions funéraires dites "latines"
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130- les inscriptions funéraires dites "latines "
par Philippe POTEL-BELNER, publié sur le site langue-et-histoire.com le 23 août 2019.
Voici donc mon énième combat contre le déclin de la pensée humaine et particulièrement contre la médiocrité dans les sciences humaines.
Cet article est une sorte de mise au point et un rappel de diverses hypothèses, qui, en leur temps, n' ont, apparemment, pas eu d' écho.
Néanmoins, il m' importe de rappeler à tous que c' est mon labeur inlassable qui a levé le voile sur une grande partie de l' Histoire, avant que des "petits malins" n' utilisent illégalement mes recherches.
Je commencerai par un exemple, qui fait suite à quelques exemples cités et analysés dans mes études passées.
L' inscription sur couvercle de coffre cinéraire, trouvée en 1960 à Ahun (Creuse) et décrite par P.-F. FOURNIR dans Gallia, 1961, p.359-360.
L'inscription est aussi le n°182 de Pierre WUILLEUMIER, dans Inscriptions latines des trois Gaules, CNRS, 1963.
D · M ·
ET MEMO
CORNEL VIC
TORIS · ET IVL·
MALLONIAE
CONIVGI · V P
Wuilleumier la transcrit ainsi:
D(iis) M(anibus) / et memo(riae) Cornel(ii) Victoris et Iul(iae) / Malloniae coniugi[s] u(iui) p(osuerunt).
Je donne ici la traduction française académique que, comme tous les latinistes, Wuilleumier ne donne pas, par prudence... :
Aux Dieux Mânes et à la mémoire de Cornelius Victor et Iulia Mallonia, son épouse, (qui), de leur vivant , ont fait construire (le coffre cinéraire).
ma critique
Si le développement de l' abréviation V P en uiui posuerunt ne fait guère de doute, le sens, lui, pose question.
Il s' agit de la même interrogation que dans d' innombrables inscriptions funéraires mentionnant les soi-disant auteurs ou donateurs / payeurs du tombeau.
Encore une fois, les linguistes et les historiens, mal et intentionnellement aiguillés par les clercs, ont éludé l' aspect religieux des inscriptions.
Il n' y a qu' à lire la partie consacrée aux inscriptions funéraires dans l' ouvrage de Paul CORBIER: l' épigraphie latine; il y manque le plus important : comment les Romains ou les Gallo-romains concevaient-ils la mort ?
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Je peux, heureusement, en quelques mots, répondre à cette question, en attendant un ouvrage plus complet dans lequel je détaillerai la mentalité ancienne.
La vie est un passage dans le monde lumineux qui associe (assemble) les deux forces de l' Univers: la Lumière et l' Obscurité, le corps et l' âme.
La mort marque la fin du corps qui laisse l' âme sans moyen de vivre.
Ici, comment peut-on penser que Victor Cornel et Malloni Iuli, ou quiconque, aient pu trouver un intérêt, parmi les 12 mots composant l'inscription éternelle , d' indiquer qu' ils ont fait construire l' urne de leur vivant ?
Il faut en finir avec l' académisme et la chasse aux diplômes; le bon sens est plus un gage d' intelligence que toutes les poudres aux yeux soi-disant "scientifiques" , d'ailleurs maintenant doublées d' un vernis technologique qui dispense de réfléchir...
Secondairement, je m' opposerai au "s" rajouté par Wuilleumier à coniugi pour en faire un génitif de la 3ème déclinaison. Il faut toujours corriger le moins possible les inscriptions: les locuteurs de l' époque parlaient beaucoup mieux la langue que nous !
"coniux" est masculin/féminin et coniugi peut être un datif signifiant "épouse donnée à Victor" OU même coniux a parfois pris la forme coniugium ou coniugius qui, dans ce cas, ferait son génitif en coniugi (2ème déclinaison).
mon commentaire et mes hypothèses
Les inscriptions funéraires reflètent la mentalité religieuse des Anciens.
1- je ne m' étendrai pas sur la signification de Diis Manibus; j' ai déjà mentionné par le passé quelques hypothèses dont les explications prendraient un livre entier.
2- tous les verbes signifiant soi-disant "construire, faire, etc...", dans le contexte des épitaphes, signifient en réalité "être à la lumière / être en mouvement / être en représentation".
La raison est étymologique: le concept linguistique de ces verbes est: faire aller en avant , faire aller vers le haut, faire vivre, faire aller vers l' autre (note) = construire, faire, offrir, donner = aller vers l' avant, vivre, être animé.
Ma traduction serait la suivante:
Aux Dieux Mânes et à la mémoire de Cornelius Victor et Iulia Mallonia, son épouse, ils se présentaient ainsi étant vivants OU (tels qu') ils étaient étant vivants.
posuerunt du verbe PONO = I- je pose; II- établir, installer, II2b- placer quelque chose sous les regards, II2f- placer devant les yeux, présenter, exposer (voir Gaffiot).
Dans d' autres inscriptions, il y a d'autres verbes signifiant sensiblement la même chose:
1- PONO (posuit, posuerunt)
2- FACIO (fecit) = faire, poser, représenter, agir,
3- OFFERO = présenter, mettre sous les yeux, montrer, exposer
4- CURO en combinaison avec ponen(dum) ou faciendum = effectuer la représentation
5- DO (dedit) = donner, mettre au monde, présenter, produire, faire
6- INSTITUO (instituit) (pronominal, ex: CIL VIII-8078) = se poser dans, s'établir, se disposer
7- DEDICO (dedicauit) = faire connaître (apparaître au jour), instituer, employer
etc...
A l' opposé, des verbes expriment ce qui se passe après la mort:
SOLUO (soluit) = dissoudre, désunir, disjoindre; et bien d ' autres mots d' un vocabulaire religieux et funéraire, qui reste en grande partie à découvrir et à analyser.
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Pour ceux qui mettent encore en doute mes découvertes, permettez que j' apporte un complément d' information, qui ne représente qu' une infime fraction de mes études sur les inscriptions funéraires et la pensée religieuse ancienne.
Les latinistes, et les historiens en général, se sont interrogés sur l' expression " sub ascia " que l' on trouve dans les inscriptions funéraires et sur le symbole de l' herminette (ascia en latin , ou ascea), gravée sur les stèles:
"sub ascia dedicauit ". Cette expression est surtout présente en Gaule transalpine et cisalpine.
Les latinistes en ont déduit qu' elle faisait référence au travail du tailleur de pierre, puisque l' herminette sert à travailler le bois ou la pierre. Elle pouvait se traduire par quelque chose comme "il a dédié sous l' herminette", c' est-à-dire "grâce au travail de l' herminette du tailleur de pierre".
Comment peut-on se dire "historien" et ne pas se poser plus de questions ? Chaque jour, ce constat me laisse pantois et effaré; c'est pourquoi j' ai entamé ce combat solitaire, par la force des choses, puisque personne n' ose me suivre sur ces chemins escarpés...
... revenons à l' herminette...
Il y a deux manières de suivre le fil qui permet de percer ce mystère.
Néanmoins, il est nécessaire d'être formé à la vraie philologie, c'est-à-dire celle qui étudie les mots en fonction des phonèmes qui la composent, et non pas des lettres qui, je le rappelle, ne sont qu' un moyen approximatif et mal connu (en ce qui concerne les mots anciens) pour noter les sons.
1- philologie comparative
Le gaffiot a heureusement relevé un mot utilisé par Pline "ascia" dans "ascia loca" pour signifier "les contrées sous l' équateur", c'est-à-dire les régions proches de l' équateur.
F. Gaffiot en déduit un adjectif latin ascius, ascia, ascium, puisque ascia loca est un neutre pluriel.
Ce mot est l' exact pendant du grec askios = sans ombre.
Il existe donc un paradigme dans certaines langues européennes, signifiant "lumière, jour".
Ce paradigme se retrouve dans l' angl: the sky = le ciel, que les dictionnaires anglais relient faussement au vieux norse: sky = nuage, etc... Je dis faussement, car, d'un point de vue religieux, le ciel et les nuages sont deux éléments opposés. Le vieux norse sky fait partie en réalité du paradigme grec: skia = ombre. Les hellénistes ont d' ailleurs fait une erreur enfantine en décomposant ascios en a- (sans) -skia (ombre) = sans ombre. .. que de fausses hypothèses devenues, de nos jours, des vérités inattaquable !
La deuxième partie de la résolution du mystère de l' ascia, vous apportera un début d' explication.
2- étymologie
ascia = herminette < ats-K-ya = qui fait (ya) assembler (K) en plusieurs (ats) / qui modifie l' unité d' un objet en enlevant des morceaux, c'est le rôle de l' herminette.
ascia = lumière, ciel lumineux < ats-K-ya = qui fait (ya) assembler (K) vers le haut / vers l' avant (ats < atta < a-tta). C'est le rôle de l' élément lumineux de l' Univers.
Il y avait donc dans l' Antiquité, un mot ascia signifiant " lumière, partie lumineuse de l' Univers", dans certaines langues dont nous n' avons, malheureusement, pas de traces écrites, à part les quelques exemples cités plus haut.
sub ascia dedicauit = sous la lumière, il est apparu comme... par opposition au trajet obscur qu' il est en train de prendre dans la mort.
Le symbole de l' ascia gravé fait appel à l' étymologie: qui fait assembler vers le haut, c'est-à-dire, que son âme, après le cycle obscur de la mort, renaîtra à la lumière, grâce aux puissances divines...
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commentaire anthroponymique
1- CORNEL (pour Cornelius ?)
Ici, il s' agit d'un nom de famille (gens).
Ce patronyme fut utilisé par la suite et jusqu' à nos jours, en tant que patronyme, mais aussi en tant que prénom, en vertu de mon autre grande découverte: un patronyme est constitué du nom de l' ancêtre, suivi ou précédé d' un élément signifiant "qui fait aller vers l' avant / qui perpétue / qui assemble vers l' avenir" , mais, en suivant les considérations religieuses qui associent l' âme et le corps pour constituer une personne qui vit, cette même construction linguistique peut exprimer que le porteur du prénom n' est que "ce qui fait aller en avant la personne nommée untel ", sous-entendant ainsi que la personne n' est que la représentation momentanée d' une âme éternelle...
prénom Cornel : Cornelis (Pays-bas), Cornelius (anglo-saxon), Corneille (France), Kornel(i) (Pologne), Kornel (Tchéquie), Cornell (GB, Moyen Age), etc... (DFN)
PTN CORNEL : Corneille, Cornille, Corneil, Cornély, etc... (in Dauzat)
2- Victor
prénom Victor
PTN VICTOR: Victor, Victoire, etc... (Dauzat)
3- IULIA
Forme féminine du nom de gens Iulius.
prénom Iulia: Julia, Julie, etc...
PTN IULIUS: Juhel (Bretagne), Jule, Julhe, Julie, July, etc... (Dauzat)
4- Mallonia
Ici, il s' agit d' un prénom.
prénom Mallonia: Malene (danois), Malvina, Melony, Mélanie, Melody, etc... voir aussi FNM: Melon (grec contemporain), etc...
PTN MALLON, MALLONI: Malon, Maillon, etc... (Dauzat)
note: dans la pensée ancienne duelle, il n' y a que deux situations: le jour et la nuit / l' avant et l' arrière / le haut et le bas / le multiple et l' unité / vers l' autre et vers soi. Par conséquent, dans certaines langues un phonème ou un morphème peut signifier " haut" alors que dans une autre langue, il signifiera "vers l' avant", etc... Les choses se compliquent lorsque les langues, suivant les unifications politiques, sont devenues des "unifications de langues" (synthèses des langues locales).
bibliographie:
DFN = Dictionary of First Names, Oxford University Press, 1990